Débuts autour de Fernand Campus

En décembre 1925, l’Université de Liège décide de se doter d'un grade d’ingénieur civil des constructions. La création de celui-ci est alors confiée à Ferdinand Campus. Ce dernier, âgé de 29 ans à peine, devient le plus jeune professeur ordinaire de l'Institution. Après des études à l’ULB, Ferdinand Campus avait participé au conflit de 1914-1918 en qualité de sous-lieutenant. Il avait ensuite travaillé en Sarre, en tant que directeur technique des travaux de reconstruction.

Les cours de Constructions se donnent d’abord place du 20 Août, puis à l’Institut du Génie Civil, si l’on peut appeler ainsi le bâtiment désaffecté d’une école primaire, situé rue Grétry au numéro 9, entre les ponts Neuf et de Longdoz. En 1930, Ferdinand Campus crée les laboratoires du Génie Civil. Ceux-ci ne comptent d’abord que deux personnes : lui-même et son préparateur technicien François Kerfs. Trente ans plus tard, plus de 80 personnes travaillent dans les laboratoires.

 

Le déménagement au Val-Benoit

En 1937, après l’achèvement des nouveaux locaux sur le quai Banning, l'Institut de Génie Civil sera déplacé au Val Benoît.

Au début de l’activité de ces laboratoires, et ce pendant 6 à 7 ans, toutes les analyses étaient rétribuées sous la forme de dons à l’Université. En effet, l’institution n’avait jamais prévu qu’un de ses services puisse effectuer des travaux rémunérés.

En 1937-1938, Ferdinand Campus sollicite Camille Liégeois, le directeur général du ministère de l’Enseignement supérieur et des Sciences, pour que son laboratoire puisse percevoir lui-même la rémunération de ses propres travaux. C’est donc à Camille Liégeois que l’on doit un Arrêté Royal, datant du 10 mai 1938 et autorisant  un laboratoire universitaire à percevoir des recettes pour des prestations effectuées au bénéfice de tiers. Cette disposition légale a été reprise en 1953 dans la loi du 28 avril, en son article 63, qui stipule que « les Universités sont autorisées à percevoir, selon les règles que le Roi établit, des rétributions pour des opérations de tout ordre, effectuées par elle ».

Ainsi naquit le CERES, Centre d’Etudes, de Recherche et d’Essais Scientifiques du génie civil et d’hydraulique fluviale, nouveau foyer de rayonnement et de progrès.

Ferdinand Campus assigne au CERES les missions suivantes :

  1. « l’organisation de grandes séances d’études, au cours desquelles des communications importantes sont faites par des rapporteurs belges et étrangers de première valeur, sur des sujets de grande actualité ou sur des progrès récents et généraux
  2. l’organisation de voyages annuels d’études et d’information au cours desquels les étudiants visitent des ouvrages et de chantiers d’intérêt exceptionnel à l’étranger
  3. l’organisation de stages à l’étranger pour des étudiants désireux de perfectionner leurs connaissances
  4. l’organisation d’un Bulletin du CERES, comportant des articles originaux que seules des académies ou de rares revues impriment parfois avec de grands retards … »

Des Bulletins aux Mémoires du CERES

Chacun des Bulletins du CERES comportait entre autres:

  • une introduction générale rédigée par Ferdinand Campus
  • une présentation des travaux réalisés en laboratoire
  • la liste des travaux scientifiques publiés dans l’année par des membres du personnel
  • le nombre d’essais confiés au laboratoire. Celui-ci est passé de 500 en  1930 à 3500 en 1951 !
  • une présentation des visites et des stages réalisés à l’étranger par des étudiants liégeois

La création du Bulletin répondait a un besoin de faire connaître rapidement, dans le monde entier, les réalisations scientifiques du personnel du laboratoire  de l’Université de Liège. En effet, seules existaient à l’époque dans l’environnement liégeois les revues suivantes:

  • les Annales des Travaux Publics de Belgique, créés en 1868
  • la Technique des Travaux, née à Liège en 1925 et créée par Edgard Frankignoul
  • le Génie Civil, revue française de Paris connue depuis 1880
  • la Revue universelle des Mines, de la Métallurgie et des Travaux Publics, née en 1868.

Aucune de ces revues ne répondait aux exigences de Ferdinand Campus, en particulier en termes de rapidité et de volume de publication. Les Bulletins du CERES parurent de 1940 à 1961, sous la forme de 11 volumes in-octavo comprenant 200 pages au moins. L’imprimeur était la société liégeoise Vaillant-Carmanne. Le mode d’impression utilisé était le procédé off-set.

Durant cette même période, 88 exposés eurent lieu soit une moyenne de 4 par an.

En 1961, le volume d’articles sans cesse plus important a conduit à un changement de format. Les Bulletins du CERES deviennent alors les Mémoires du CERES. Le nouveau format choisi était le DIN A4. Chaque volume ne reprend plus que deux ou maximum trois articles traitant du même sujet par volume. Les ouvrages étaient photocomposés par la firme liégeoise Derouaux.

Ferdinand Campus fut admis à l’éméritat en 1964. Son successeur, Henri Louis, décédé lors d’une chute mortelle à Calvi en 1966, fut à son tour remplacé par René Spronck jusqu’en 1969. Tous les trois assumèrent conjointement la direction des laboratoires et celle du CERES.

Après le départ de René Spronck, fut constitué un conseil de gérance du CERES, qui comprenait les professeurs concernés par l’enseignement à la section des  constructions: MM Baus, Calembert, Dantinne, Dehousse, Englebert, Fagnoul, François, Gamski, Lamoen, Marchal, Massonnet et Spronck. Ceux-ci confièrent successivement la présidence des laboratoires et du CERES à MM Dehousse, Gamski, Fagnoul (à deux reprises) et Baus, et cela pour des mandats de deux ans. Sous le titre de Mémoires, quasi 60 volumes furent publiés.

Cependant, l'avènement de nouveaux médias, l’introduction des ordinateurs et la multiplication des nouvelles sources de recherche eurent pour conséquence l’arrêt de la parution des Mémoires du CERES. C’est aussi à ce moment que disparaissent les Annales de Travaux Publics de Belgique et La Technique des Travaux ainsi que la Revue Universelle des Mines, de la Métallurgie et des Travaux Publics.

Mais cette époque est également celle de la naissance de la Collection des publications de la Faculté des Sciences Appliquées, chargée de publier les thèses de doctorat. Une dernière parition des Mémoires aura lieu avec trois numéros, respectivement 61, 62 et 63 (paru en 1999). Après 1999, les Mémoires du CERES disparaissent définitivement.

 

Les conférences du CERES

Pour sa part, la série des conférences organisées par le CERES continue, avec la seule différence que les exposés ne sont plus édités. Le 28 novembre 2011, a eu lieu la 300ème conférence d’un cycle qui a commencé en 1947 : avec plus ou moins 5 conférences annuelles, on peut estimer que le CERES a bien rempli son rôle de stimulation de la recherche en Construction.

 

Les laboratoires

Quant aux laboratoires d’essais du génie civil, ils disparurent officiellement en 2002. Leur activité se poursuit aujourd’hui à travers les laboratoires de l'UR.

La gestion du CERES est désormais assurée indépendamment de celle des laboratoires par un conseil de gérance, qui en confie la gestion à un président, un trésorier et un secrétaire.

 

L’aide aux étudiants

Dès le départ, les  étudiants ont été ravis de l’organisation d’un voyage à l’étranger à frais réduits. Ces voyages, organisés au départ dans les régions françaises, ont eu pour destination les pays limitrophes de la Belgique puis, en fonction de l’évolution des transports et des opportunités, le Danemark, la Norvège, l’Angleterre, la Pologne, le Congo et même l’Irak.

Ainsi, des quatre objectifs que Ferdinand Campus s’était assigné au départ, deux perdurent aujourd'hui: celui des conférences et celui des voyages annuels des étudiants. La raison de la disparition des deux autres s’explique par les contingences du monde scientifique et académique actuel.

 

Regards vers l’avenir

Le CERES a de l’avenir. Il peut être le point de nucléation sur lequel se focalise une recherche au service de la société. « Peut », car cela dépend évidemment de nous et de vous. Nous avons en effet le devoir de continuer.

Mais continuer vers quoi ?

  • Un premier défi est celui de la continuité : les conférences restent un moment important pour de nombreux ingénieurs. Un moment  de plaisir technique, mais aussi de plaisir de bouche autour d’un bon repas. Cette franche camaraderie contribue à la création d’un esprit positif entre l’université, les entreprises et l’administration.
  • Un deuxième défi est l’avenir du métier d’ingénieur : comment faire de nos jeunes étudiants des techniciens compétents, des gestionnaires sérieux et des meneurs empathiques. Les compétences techniques, vous le reconnaîtrez je l’espère, peuvent être acquises aisément au sein de notre faculté polytechnique. Mais le reste : comment être certain que nos diplômés seront capables de gérer correctement leur chantier ? Comment vont-ils réagir en face du responsable de la sécurité, du délégué syndical ou du financier de l’entreprise ? Comment ne va-t-il pas se décourager devant l’ampleur du travail administratif à accomplir. Dans ce cas, c’est du monde de l’entreprise que doit venir la réponse et l’aide : les stages, que nous avons rendu obligatoires dans nos programmes, doivent être l’occasion d’une découverte véritable du futur métier d’ingénieur.
  • Un dernier défi concerne simplement la capacité permanente d’adaptation. Quel sera le métier dans 10, 20 ou 50 ans ? Les hommes et les femmes que nous formons aujourd’hui pourront-ils suivre les changements de demain ? Il est évidemment difficile d’anticiper ce que sera le métier dans quelques années. Mais n’est-ce pas justement la force et la spécificité de l’Université que de pouvoir former des ingénieurs capables de réflexion et de remise en question, grâce à des compétences techniques, linguistiques et humaines fortes ?

Le CERES, si nous le voulons, peut être ce point nodal, de rencontre et de discussion, face à nos inquiétudes, nos questionnements mais aussi nos idées sur l’avenir de notre beau métier.

 

Ces informations s'appuient sur les allocutions des Professeurs N.M. Dehousse, R. Maquoi et L. Courard, prononcées le 28 novembre 2016, à l'occasion de la 300e conférence du CERES. Le texte exhaustif de cette 300e conférence est accessible via le lien suivant.

 

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