Un déchet industriel pour renforcer les briques en terre crue dans les bâtiments



Des chercheurs burkinabés et belges montrent qu’un résidu industriel autrefois inutilisé constitue en fait un additif intéressant qui permet d’améliorer la résistance de la terre crue. Ce mélange inédit permet de construire des bâtiments plus solides et plus hauts. Cette solution peu coûteuse permet en plus d’améliorer le confort thermique en les rendant moins dépendants à la climatisation.

La terre constitue un matériau naturellement utilisé depuis la nuit des temps pour construire des logements. La population vivant dans des logements en terre crue est estimée à plus de 30 % au niveau mondial et 50 % dans les pays en voie de développement comme le Burkina Faso. Ceci est motivé essentiellement par la disponibilité de la terre et sa capacité de réguler la qualité de l’air en termes d’humidité et de température. Par contre, la terre a aussi une mauvaise réputation car elle représente pour certains le matériau des pauvres et/ou peu durable : ils préfèrent alors le béton et l’acier.

Le ciment et l’acier non seulement sont produits à l’étranger et importés (donc coûteux) au Burkina Faso, mais aussi ils contribuent largement à la pollution environnementale. D’où la nécessité de trouver localement des matériaux alternatifs pour la construction, qui soient de qualité mais aussi durable. La collaboration entre les chercheurs du Laboratoire éco‑matériaux et habitats durables de l’Institut 2iE et de l’unité de recherche Urban and Environmental Engineering de l’Université de Liège vient de résoudre ce problème.

Les résultats d’une nouvelle étude1 démontrent que la chaux résiduelle, un déchet2 industriel facilement disponible à Ouagadougou, permet de lier la terre crue, lui donnant des propriétés inédites. Les tests ont été menés sur la terre3 disponible dans les localités de Kamboinse, Pabre, Kossodo et Saaba, qui est constituée essentiellement d’argile kaolinite. Le mélange constitué par l’addition d’au moins 10 % de la chaux résiduelle à la masse de la terre produit des briques4 comprimées qui ont une résistance mécanique au moins deux fois plus élevée que celle de la terre sans liant. Ces briques sont assez résistantes pour construire les bâtiments avec étages, tiennent bon face à l’eau et ont une durée de vie plus importante.

Les chercheurs se pencheront ensuite sur la façon de mieux maîtriser encore le comportement du bâti en terre crue en termes de durabilité et de confort thermique dans le contexte sahélien, mais aussi sur la façon de promouvoir ce nouveau matériau pour le rendre acceptable socialement. 

Tous ces études sont financées par l’ARES - Commission  de  la  Coopération  au  Développement du Royaume de la Belgique à travers un projet de recherche et développement «Amélioration de la qualité de l’habitat en terre crue au Burkina Faso : PRD2016-2021».

 

Philbert Nshimiyimana est doctorant à l’Institut 2iE et à l’Université de Liège.

 

[1]. Publiée dans le journal “Construction and building materials” (https://doi.org/10.1016/j.conbuildmat.2020.118097)

Illu 2 

2. La terre est excavée de la carrière de Kamboinse (haut) et tamisée (bas).   

 

 

Illu 3

 

3. Le liant innovant est un déchet industriel (haut) et broyé en poudre fine (bas).

 

Illu 44. Le mélange de la terre et le liant innovant produit des briques comprimées de bonne résistance mécanique (haut) et  à l'eau (bas).

 

Image: P. Nshimiyimana & A. Messan

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